À la plage

5 mai 2019 – III° Dimanche de Pâques

C’est l’histoire d’une personne qui a reçu le baptême et l’initiation chrétienne dans son jeune âge ; qui a grandi dans la fidélité au pardon et au jour du Seigneur, notamment grâce à sa famille. Qui a même pris goût, à l’occasion, au devoir de se former dans le domaine de la foi.
Cette personne s’est mariée, a eu des enfants restant fidèle à l’Église locale à chaque déménagement. Sa vie familiale et professionnelle étant chargée, elle s’est régulièrement promise – et a promis à tous ses curés successifs –, un demi-siècle durant de prendre bientôt du temps pour le Seigneur ou du moins quand l’heure de la retraite sonnera.
Quand celle-ci vint, mille occasions se présentèrent, mais elle s’est alors convaincue qu’il fallait donner priorité aux petits-enfants et claisser place aux jeunes dans l’Église. Jusqu’au jour où, les forces déclinant, il ne fut plus question de faire quoi que ce soit. Il s’est alors plutôt agit d’en appeler à la sollicitude des prêtres et des frères et sœurs chrétiens, afin qu’ils l’accompagnent pour le grand départ. Ce qui se fit bien.

Une histoire sans intérêt

Cette histoire a peu d’intérêt tant elle est banale. C’est précisément pour cela que je vous la raconte ! J’ai volontairement employé le mot « fidélité » pour décrire cette vie qui en est, pour une part, empreinte. Cette personne a fidèlement répondu aux appels à célébrer le Seigneur, à recevoir sa Parole et sa Grâce ; elle s’est fidèlement acquittée du Denier.

Chez Monoprix ont lui aurait remis une « carte de fidélité » pour avoir si régulièrement consommé, dans le même réseau distributeur !

Ne manque-t-il pas une dimension essentielle… que l’Évangile fait apparaître, dans la douce lumière de Pâques ?

La tranquillité est-elle risquée ?

La question que je vous propose de nous poser est toute simple :

Que risque un chrétien qui borne sa vie spirituelle à la réception de la grâce de Dieu ?
Qui se contente de cette fidélité limitée, mais louable ?

Si je m’autorise à vous provoquer si fréquemment à ce sujet, c’est bien dans l’espoir de voir chacun relever les manches pour la mission ! De ne pas attendre d’être adulte, encore moins jeune retraité, encore moins retraité moins jeune…– quand bien même les ouvriers de la dernière heure, en fidélité à l’Évangile, resteront toujours bienvenus…

Mais est-ce si grave de passer sa vie à éviter de participer autrement qu’au titre de consommateur à la mission de l’Eglise ? De venir se poser tous les dimanches à l’église en comptant sur les autres pour passer un coup d’aspirateur ? De laisser la jeunesse se laisser islamiser au lieu de soutenir la transmission de la foi au Dieu vivant et vrai ? De se servir du Royaume sans servir le Royaume, ni même de se donner la peine d’en révéler l’adresse à quiconque ? Qu’arrive-t-il aux chrétiens qui auront fait la sourde oreille toute leur vie ? Qui auront délibérément procrastiné… jusqu’à leur dernier souffle ?

Une réponse rassurante

Rien !

La parole de Dieu répond à cette question, qui, je le sais pouvait compromettre la tranquillité de l’un ou l’autre parmi vous… en ce Troisième Dimanche de Pâque, Dieu nous rassure : Il ne châtiera pas les tire-au-flanc ! Dieu aime tout le monde, même les fumistes et les consommateurs !

Du côté du Ciel, cela n’empêchera pas la gloire de Dieu d’être célébrée de façon parfaite et éternelle par le service des Anges, c’est ce que rapporte la vision de Jean, en 2ème lecture ; l’Apôtre entraperçoit les « myriades de myriades, par milliers de milliers » qui louent l’Agneau immolé.

Du côté de la Terre, le fait de se défiler, pour les disciple, de se contenter de faire son travail pour remplir sa gamelle au mieux, n’empêchera pas le Seigneur de les bénir. C’est bien ce que nous rapporte le chapitre 21 de Saint Jean ! Vous rendez-vous compte de la portée de la scène qui vient de nous être rapportée ?

Jésus est ressuscité ! L’événement le plus important de toute l’Histoire vient donc de se produire. Les apôtres ont vu le Ressucité qui les a préalablement formés en vue de la mission pendant trois années. Et voilà que pour que la petite entrepris ne connaisse pas la crise… qu’on s’y est finalement remis. Il faut bien faire bouillir la marmite : « Je m’en vais à la pêche » dit Pierre…. « Nous aussi, nous allons avec toi… » renchérissent Didyme, Nath, Jacques, Jean et deux autres… Elle est pas belle la vie ?

Croyez-vous que le Seigneur leur en tienne rigueur ? Qu’Il les culpabilise, leur adresse, comme Il sait le faire par ailleurs, des reproches ? Non, Jésus les assiste de sa Providence : non seulement favorise surabondamment la pêche, mais voici qu’Il prépare un repas. Le Ressucité fait la cuisine…

Il y a le monde à sauver. Des milliers d’âmes qui se perdent… Les Apôtres font une partie de pêche et Jésus fait des grillades.

Pourquoi pas une partie de pétanque ou un ciné tant qu’on y est ?

La lenteur patience de Dieu

Dieu ne s’impatiente pas. On dirait même qu’Il assume la lenteur des Apôtres, qu’Il joue leur jeu, s’invite à la partie.

Son attention délicate offre un signe extraordinaire : le soin qu’Il continue de prendre de chacun d’entre nous, quand bien même nous ne prendrions pas soin de Lui, en peinant à entrer dans ses vues, à répondre à ses attentes !

L’Amour de Dieu n’est pas conditionné par notre générosité à son égard. Même si nous nous servons de Lui sans Le servir Lui : Il nous aime et prend soin de nous !

Dieu se suffit de peu

Ces faits, dans leur simplicité, nous permettent d’affirmer cela. Mais Jésus Lui-même le fait savoir au cours d’un des plus célèbres échanges qu’Il a avec Pierre, au cours duquel on L’entend demander par trois fois à Pierre si L’aime. Vous le savez pour l’avoir entendu souvent, en français nous traduisons à chaque fois le verbe des questions de Jésus par celui « aimer », mais en grec, il y a une subtilité de grande importance. Jésus commence par employer le terme le plus fort qui puisse exister : « Pierre m’aimes-tu de charité théologale, d’agapé ? »
pour finir, la 3ème fois par choisir un mot plus commun qui Lui fait dire « Pierre, m’aimes-tu bien d’amitié ? »…

Ce qui confirme l’affirmation déconcertante selon laquelle Dieu se suffit de peu et nous aime dans tous les cas.

Il y a là la révélation d’une vérité extrêmement rassurante pour chacun d’entre nous :

de toutes les façons, Dieu nous aime !

Du petit feu au grand feu

Mais cette affirmation est dramatique…

Car ce n’est donc plus en vue d’être aimé de Dieu ou pour éviter d’être soustrait à son attention et ses bénédictions qu’il importe de relever les manches, mais parce que nous sommes terriblement aimés !

Jésus ne s’impatiente pas davantage : Il sait que très bientôt, Pierre et ses apôtres passeront de la pêche au poisson pour la pêche aux âmes ! Sous peu, Pierre se livrera davantage à Jésus, se laissant nouer la ceinture de serviteur par le Maître pour aller accomplir le plus haut, le plus noble le plus utile des services, celui de l’apostolat ! Comme en témoigne la première lecture qui nous renvoie au temps après la Pentecôte…À quelques semaines, on est déjà loin des tergiversations qui ont suivi la Résurrection… on voit ces hommes brûler du feu de l’Esprit ! Obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes et s’estimer heureux non pas d’avoir été fouettés, mais d’avoir été jugés dignes de subir des humiliations pour le nom de Jésus !

Sans aller jusqu’à désirer subir des humiliations pour le nom de Jésus – encore que cela soit à nouveau devenu facile et fréquent en France aujourd’hui, notamment pour les plus jeunes générations – ne pourrions-nous pas laisser Jésus aviver en nous la volonté de nous mettre à son service ? De répondre à ses sollicitations et ses invitations pour servir son Royaume…

Non pas demain, mais aujourd’hui ?

Non pas là-bas, mais ici ?

Son Amour envers nous est inconditionnel, sincère, désintéressé.

Sa prière est tendre et douce…

en tendant l’oreille de notre cœur nous pouvons l’entendre :

« M’aimes-tu ?

Veux-tu bien m’aider un peu ? »

Amen

Jn 21, 1-19