En Lui tout est don

20 mai 2020 – Jeudi de l’Ascension

On sourit parfois du caractère lapidaire des résumés de catéchisme d’antan, qui consistaient en une question et sa réponse… C’est un tort ! Aujourd’hui, l’Ecriture Sainte nous offre un beau fondement de cette tradition. Dans le récit de l’Ascension rapporté par le Livre des Actes, deux anges offrent aux Apôtres une leçon digne du catéchisme de Saint Pie X : une question, une réponse !

Les anges sont de purs esprits. À leur contact, à leur école,  nous pourrions apprendre à préférer les vérités simples et vraies aux élucubrations que notre esprit épais se complet à produire indéfiniment… La vérité est reposante : si nous étions plus simples nous serions moins fatigués ! Je vous propose donc d’aller voir de plus près ce petit paragraphe de catéchisme qui tient lieu de conclusion au reportage rédigé par saint Luc (Actes 1, 11).

La question est : « Galiléens, pourquoi restez-vous là regarder vers le ciel ? »

Et sa réponse : « Ce Jésus qui a été enlevé au ciel d’auprès de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel. »

Comprendre la question

La question angélique induit un reproche : « Galiléens, pourquoi restez-vous là regarder vers le ciel ? » écho des remontrances du Christ aux Apôtres manquant de foi. Leur attitude sembler trahir une méprise qui doit être corrigée. Ce qui se produit à l’instant, sous leurs yeux effarés risque d’être compris de travers ! Ce que l’on peut bien comprendre, d’ailleurs. Depuis quarante jours, Jésus ne cesse d’apparaître, pour consoler, enseigner, illuminer les cœurs… C’est ce temps pascal historique, cette période mystérieuse dont je vous ai déjà parlé (homélie du 18 avril). Une période nécessaire pour accueillir le pardon du Messie abandonné par les siens auxquels Il vient redire son amour inchangé. Un temps pour guérir et pour s’apprêter à repartir… Mais sept semaines, c’est beaucoup. On peut concevoir que les apôtres aient pu inconsciemment occulter la probabilité d’un terme. C’était si doux de retrouver Jésus vivant, pourquoi imaginer que nous allions devoir vivre autrement, bientôt ?

Or, soudainement, c’est la fin. Plus d’image, plus de son. Le ciel bleu, les oiseaux qui chantent ; mais plus la voix chaude du Maître.

La question des anges, bien évidemment, n’est pas à entendre comme une remise en question du fait de regarder vers le Ciel – cela serait contraire à tout le reste de l’Écriture où Dieu ne cesse de nous inviter à regarder au-delà de ce monde – mais du fait de regarder le Ciel comme cela : comme un siphon qui aspire tout ! En effet, la tentation fut peut-être de se mettre à douter, en cet instant, de la générosité divine qui montrerait, en cette soudaine soustraction… ses limites ! De telles pensées, si elles ont traversé l’esprit des disciples au moment où leur cher Maître leur semble arraché ne sauraient être des pensées divines ! Les anges offrent donc, à travers une réponse lapidaire mais extrêmement précieuse, le sens véritable de l’Ascension du Seigneur.

Comprendre la réponse

« Ce Jésus qui a été enlevé au ciel d’auprès de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel. »

Comme si le Père disait :

«Comprenez que Celui qui est si cher à votre cœur, et qui l’est pour d’excellentes raisons, vous quitte pour mieux vous accompagner. Les relations, la communion dans la foi seront différentes en leurs modalités… mais comme Il vous l’enseigna Jésus au cours du dernier repas qu’Il prît avec vous : « Celui qui croit en Moi fera, lui aussi, les œuvres que Je fais ; et il en fera même de plus grandes, parce que Je vais vers le Père » (Jn 14, 12). Autrement dit il est possible que le meilleur reste à venir. Ce siphon lumineux où mon Fils semble avoir été aspiré pour pour retourner dans mon sein glorieux… n’est pas un aspirateur ! Il est une blessure ouverte,  point de passage entre le Ciel et la Terre, la nouvelle échelle de Jacob, un ouverture à partir de laquelle un torrent de grâce va se déverser sur le monde…

En premier lieu l’Esprit Saint, en premier lieu, qui ne cesse de jaillir du Cœur glorieux de mon Fils ! Et mon Fils Lui-même, Qui sera présent avec vous, tous les jours, jusqu’à son retour visible (Mt 28, 14)… au plus haut point dans le Sacrement de l’Eucharistie… et dans sa Parole proclamée et reçue dans la foi… et dans les saints où Jésus vit !» − comme nous l’expliquions dimanche dernier.

un écho historique de cette réponse ?

En méditant sur cette réponse des anges, je repensais à l’événement imprévu et douloureux que les catholiques avaient vécu lorsque le Pape Benoît XVI avait annoncé sa renonciation, en février 2013. Comme les apôtres et cet instant, nous avions peut-être ressenti cela comme une injustice, une privation et peut-être même douté de l’inspiration et de la bonté d’un tel acte qui nous laissait subitement orphelins. Mais comme le Souverain Pontife l’exprima : se retirer n’est pas partir. Il voulu servir autrement l’Église de Dieu, assurer une intercession ininterrompue, soutenir autrement l’oeuvre de Dieu.

Comme dans la version de l’évangile selon saint Luc où Jésus disparaît dans les airs en bénissant les siens (Lc 24, 51), il fallait que cette soustraction était une addition ? On peut d’ailleurs estimer que dans ce geste inédit dans l’Histoire se réalisait ce que le même Benoît XVI prononçait dans sa première homélie de Pape, huit années auparavant, le  24 avril 2005. Il s’agit d’une belle expression, au milieu de la dernière phrase, qu’il adresse aux jeunes (mais comme on est tous plus jeune que quelqu’un on est tous jeunes, elle vaut donc pour tout chrétien) :

« Ainsi, aujourd’hui, je voudrais, avec une grande force et une grande conviction, à partir d’une longue expérience de vie personnelle, vous dire, à vous les jeunes: n’ayez pas peur du Christ! Il n’enlève rien et il donne tout….. »

«Il n’enlève rien et il donne tout» : voilà une belle légende à inscrire sous une représentation iconographique du deuxième mystère glorieux. Se dire, devant l’Ascension du Christ au Ciel, en cet événement, « le Christ n’enlève rien, Il donne tout ». Parole qui consonne parfaitement avec la leçon de catéchisme que les anges offrent aux Apôtres.

Dieu ne sait que donner

Comme des enfants qui ont assurément tout à découvrir, recevons humblement cette simple leçon : Dieu ne sait que donner. Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas douter de sa bonté, de son amour, de sa bienveillance, même quand il nous semble être privés d’un grand bien. Aucune épreuve qu’Il permet n’est étrangère à notre progression spirituelle. En toute occasion, Il peut et veut nous bénir.

Car non seulement le Père nous tout donné en nous donnant son propre Fils.

Mai Il ne cesse de nous donner son propre Fils avec qui Il nous prodigue leur commun Esprit d’Amour !

Alors regardons vers le Ciel, non comme un point de fuite, mais comme la source de tout don. Amen.

lectio

Actes 1, 1-11

Psaume 46

Ephésiens 1, 17-23

Matthieu 28, 16-20

AELF

Références