S o l e i l  d e  J u s t i c e

25 XII 2020 – Nativité du Sauveur

Messe du Jour

Isaïe 52, 7-10

Psaume 97

Hébreux 1, 1-6

Jean 1, 1-18

AELF

Après le récit de la Nativité, recueilli durant la douce et sainte nuit passée, voici que la messe du jour de Noël, nous fait entendre le prologue de l’Évangile selon saint Jean. Assez singulièrement, le Christ, le Verbe de Dieu, y est désigné comme « Lumière qui brille dans les ténèbres »… Et vous savez sans doute que la Naissance de Jésus a souvent été comparée, à la fin de l’Antiquité, à l’apparition du Soleil. Juifs et Païens semblent spontanément s’être accordés pour désigner le Christ comme le Soleil de Justice, le Soleil Nouveau

Le nouveau soleil

À ce sujet, il faut souligner le fait que l’adjectif « nouveau » est plus important encore que le substantif « soleil ». Je veux dire par là qu’on aime répéter que la fixation de l’anniversaire de la naissance du Christ aurait été inspirée par l’existence d’une fête païenne hivernale, liée au culte solaire. C’est peut être exact. Mais comprenons justement que les premiers chrétiens, conscients de la place prépondérante accordée au soleil dans toutes les cultures, aiment à souligner aussi bien la différence que la ressemblance entre le Soleil et le Sauveur, en déclarant ancien, déjà caduque, le soleil du ciel et nouveau le Christ. La naissance de Jésus, autrement dit l’apparition du Nouveau Soleil sonnerait le glas ou annoncerait l’éclipse de l’ancien soleil. Le soleil cosmique (qui inspira tant de cultes religieux) a commencé a céder le pas depuis que le Soleil nouveau a commencé à resplendir, c’est à dire à partir du moment où le Visage de la Lumière en Personne s’est laissé voir !

Cette manière de penser est assez fréquente chez les pères de l’Église. Saint Maxime de Turin écrit par exemple :

« Pour moi, cet ancien, c’est le soleil de ce monde qui disparaît par moments, que les murs tiennent à l’écart, que les nuages obscurcissent. Oui, cet ancien, c’est le soleil qui est soumis à l’inconstance, qui craint l’altération, qui tremble à la perspective du jugement1Il fait sans doute allusion au fait qu’il est écrit qu’à la fin des temps, le soleil se changera en ténèbres…qui se recoupe avec la certitude scientifique acquise depuis : le soleil connaîtra sa fin, matériellement parlant. »

Du soleil d’injustice au soleil de Justice

Il va plus loin, en incriminant le soleil naturel. Il l’accuse d’abord d’être le complice le complice passif des méfaits des hommes, le témoin interdit de nos égarements ; il lui reproche ensuite de ne pas refuser d’être pris pour un dieu, lui qui n’est qu’une chose créée ! d’inspirer l’idolâtrie ! D’être un soleil d’injustice.

Par conséquent, s’il est bien légitime de profiter des bienfaits naturels et vitaux du soleil, il n’en reste pas moins qu’il fournit l’occasion d’aveuglements spirituels dont il serait donc la figure originelle. L’ancien soleil représenterait l’illusion et l’idolâtrie qu’induisent les religions naturelles et du paganisme qui ressurgissent régulièrement. Aujourd’hui, les honneurs accordés à Dame Nature sont ceux que la Révélation chrétienne était parvenue à réserver au seul Créateur. Plus généralement, l’ancien soleil est le symbole de toutes nos illusions et les injustices qu’elles provoquent.

L’apparition en notre chair du Verbe de Dieu vient donc dissiper les doutes, les ambiguïtés, un antique malentendu, une confusion qui n’avait que trop duré ! En présence du Soleil définitif les luminaires naturels pâlissent…

Lumen de lumine

Cela étant dit, une fois qu’on a radicalement souligné la différence entre le petit astre solaire et son Créateur ont peut s’autoriser quelques comparaisons, ne serait-ce pour commencer par le fait que le soleil naturel éclaire nos yeux de chair comme le Verbe Éternel éclaire les yeux de notre foi !

On peut ajouter que si l’ancien soleil semble surgir de la terre lorsqu’il se lève le matin (ce qui n’est pas faux d’un certain point de vue, car il appartient bien à la création), le Soleil Nouveau « vraie lumière qui éclaire tout homme en venant dans le monde » germe aussi depuis le sein de l’humanité… (dont Il demeure lui-même l’origine, car sans Lui rien ne fut). Jésus n’est pas une météorite envoyée du Ciel : « le Verbe s’est fait chair et Il a habité parmi nous », il est venu chez nous en venant de chez nous !

Enfin, si l’ancien soleil demeure fragile – voué à la destruction – le Soleil Nouveau, Lumière née de la Lumière, en apparaissant dans notre chair obscure s’est soumis à la fragilité humaine et a connu la mort, pour en triompher et nous affranchir nous-mêmes de la destruction définitive. La naissance du Christ est un jour qui se lève, dont aucune nuit n’aura jamais raison ! Avec Lui, la grâce et la vérité surgissent de façon irréversible, au point qu’aucune ignorance, aucune amnésie, aucune ingratitude ne puissent désormais étouffer révélation : « Les ténèbres ne l’ont pas arrêtée » !

Arrêtons là la comparaison qu’il est permis de lire en filigrane dans le prologue de saint Jean pour vous admettre que la célébration de la naissance de ce Soleil Victorieux n’est que le prélude de la célébration de la Victoire elle-même : et ce sera Pâques dans quelques mois, fête non moins lumineuse !

Deux fêtes lumineuses

Noël et Pâques sont deux fêtes lumineuses en lesquelles se tient toute la foi chrétienne. Noël est la fête du premier rayon de soleil qui pointe au cœur de l’hiver, c’est la fête de l’Aube Nouvelle, de l’avènement de la Vérité en personne, l’Astre d’En-Haut consentant à germer depuis la terre glacée. Tandis que Pâques est la fête du zénith de ce même soleil, lorsqu’après avoir triomphé des ténèbres, vient s’asseoir sur son trône de gloire à jamais et briller de mille feux !

Ces deux événements n’inspireraient que des de simples commémorations si nous n’étions pas persuadés, comme la vie des disciples de Jésus-Christ l’atteste depuis 2000 ans, que d’une part, le Christ ne cesse de naître et de renaître par sa grâce, dans son Église, lorsque sa propre vie divine est communiquée, en premier lieu dans les sacrements et au plus haut point dans la Réconciliation et l’Eucharistie, comme la crèche de notre église le symbolise joliment cette année.

Ces deux événements lumineux (la Naissance et la Victoire) n’appartient pas au passé. Leur actualité s’apprécie à la mesure de notre foi. Si nous sommes capables de saisir qu’ils ont changé le cours de l’Histoire, nous devrions être capable d’admettre qu’ils puissent transformer notre histoire personnelle, notre vie !

Un tel miracle ce produit lorsqu’en ouvrant nos cœurs par la foi, nous permettons au Soleil Nouveau, à la Lumière Véritable, au Verbe éternel de Dieu de se lever en notre esprit ! Que nous Le laissons réaliser cette illumination à laquelle tout homme est appelé : « d’un bout à l’autre de la terre, les nations verront le salut de Dieu » prophétise Isaïe !

La naissance du Soleil Nouveau, du « reflet resplendissant de la gloire du Père, de l’expression parfaite de son être » dans nos âmes, se produit dans la rencontre personnelle dont les baptisés restent les témoins de première ligne ! : « à tous ceux qui L’ont reçu, ceux qui croient en son nom, Il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu ».

Sans illusion, mais pleins d’Espérance !

Éclairés par le prologue éblouissant de saint Jean, accueillons la Lumière née de la Lumière et continuons d’intercéder pour que durant cette octave de grâce, durant cette semaine de Noël…une rencontre personnelle (première ou renouvelée) avec Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai Homme et unique sauveur se produise pour nombre d’hommes et de femmes !

Et nous mêmes, dans un instant, lorsque l’Eucharistie s’élèvera depuis l’Autel devant nos yeux, osons ouvrir nos cœurs au Christ, le Soleil Nouveau, Lumière sans égale : prions-Le de venir illuminer nos cœurs pour vaincre les ténèbres de notre ignorance ou de notre péché, nous conforter dans la foi et l’Amour ! Abandonner nos illusions pour la seule Espérance !

En chaque Eucharistie, Il vient chez les siens, Il vient chez nous.
Et nous voulons Le recevoir… pour être reçu par Lui et vivre avec Lui, maintenant et pour l’éternité. Amen.