Comme toute l’octave, le lundi fait corps avec l’unique fête. La semaine nous donne d’effeuiller jour après jour, de pétale en pétale, le mystère qui jeta dans la sidération et la joie ces premiers disciples du Ressuscité que nous voulons rejoindre par la foi.

J’aime cet évangile du Lundi de Pâques (Mt 28, 8-15), si « programmatique » ! Au sortir du tombeau vide, les femmes sont arrêtées dans leur course par Jésus Lui-même qui les charge, en quelque sorte, de transmettre une feuille de route à ses « frères ».

D’un côté s’enclenche la « propagande de la foi » – comme on disait sans vergogne jusqu’à une époque récente, c’est-à-dire sa la propagation activement promue de la Bonne Nouvelle . De l’autre, on voit s’organiser la diffusion, dont nous ne sommes pas moins les destinataires permanents, du Mensonge.

Il est intéressant de repérer ce qui motive et permet celle-ci ; notamment l’alliance, toujours valable aujourd’hui, de la peur et de l’appât. Peur des gardes, hommes simples qui aimeraient conserver leur emploi et qu’on n’a pas de mal à acheter avec « une forte somme d’argent » ; peur des « grands prêtres » qui craignent d’être remis en question et de perdre leur position.

Il s’agit donc d’un double mouvement, ou plutôt d’une fracture qui fait apparaître deux autorités : le royaume de la conversion (les saints femmes, les apôtres et bientôt le peuple libre) et celui de la diversion (le petit peuple soumis et les grands prêtres), celui de la foi et celui du mensonge.

La diffusion de la foi est sûre, mais lente, comme le délai des sept semaines qui séparent le jour de Pâques de celui de la Pentecôte nous le fait comprendre. Celle du mensonge est rapide et même immédiate, mais superficielle et polymorphe. Aujourd’hui on invente une histoire de corps soustrait… demain on racontera que celui qui avait été crucifié n’était pas Jésus. Des grands prêtres au dernier magasine « spécial Pâques » vendu en kiosque, en passant par les mahométans et Dan Brown, on s’emploiera à raconter tout ce qui pourrait détourner du fait inéluctable, afin de permettre à qui le souhaite de continuer à vivre comme si de rien n’était, comme si ce monde était le fait du hasard et le mal qui l’anéantissait une fatalité. Cette séparation d’Israël en deux est celle du monde.

Je repense à ces lignes du P. Bouyer, dans Le Trône de la Sagesse : [br]

« Ce que nous appelons l’histoire sainte, l’histoire du peuple élu, n’est que la ligne de rupture de l’humanité, initialement crispée dans son refus, sous cette pression continue de la grâce. L’Ancien Testament est la Parole divine reprenant peu à peu la matière d’un monde durci et coagulé, impénétrable à son influence, jusqu’à s’y frayer une voie, et finalement jusqu’à le refondre et le récréer. Israël n’est que la lignée humaine qui a consenti à écouter, à recevoir la Parole divine, progressivement et peu à peu, non sans bien des reniements et des infidélités, cette Parole qui éclaire tout homme venant en ce monde, mais que les siens eux-mêmes, souvent, non point reçue. Ceux qui l’ont reçue, cependant, elle a fait d’eux des enfants de Dieu, en les envahissant de sa présence, jusqu’à ce que cèdent les dernières oppositions et que puisse devenir son Temple la chair même du péché ».

[br]Ainsi qu’au mot si inspiré de Marc Twain :

« Un mensonge a le temps de faire le tour de la terre avant que la vérité attache les lacets de ses souliers ».

Des milliards de fake news circulent depuis le jour de Pâques et s’efforcent de faire diversion. Mais la bonne nouvelle du salut, humble et nue, s’est également levée ce matin-là. Depuis, elle avance, d’un pas lent mais assuré. Elle traverse arpente les continents et traverse les temps, sans qu’aucune haine n’entame sa patience, mue par cette joie singulière qu’aucune rage ne pourra jamais ravir : la joie de Pâques.