En découvrant, ces derniers jours, les abominations commises au sein de l’Église, tout fidèle du Christ peut être tenté de la quitter. Cette tentation est évidemment encourue, en premier lieu par les victimes directes de ces crimes ; plus largement encore par tous ceux qui s’estiment incapables de produire ce sursaut de foi qu’imposent ces monstrueuses révélations. Cette tentation survient avec le scandale des « petits », lesquels ignorent souvent combien leur désertion accomplit ce que le Diable recherche en inspirant les mal nommés « pères » de donner des serpents (symbole de perdition) au lieu de poissons (symbole du salut). « Victimes de l’Église », ils ignorent former, plus mystérieusement, l’« l’Église des victimes » – Corps du Christ en sa crucifixion. À travers la monstrueuse atteinte de leur personne, c’est Jésus-Christ, dont ils sont bien davantage les icônes que leurs bourreaux, qui était assurément violé et profané, si bien que leur départ offre malheureusement une souscription à la représentation cléricale – et si peu traditionnelle, en vérité – de l’Église. Si l’on comprend le désir d’éloignement, rappelons que les vrais réformateurs de l’histoire du christianisme sont les saints que la décadence force à s’attacher plus fermement encore à l’Église – ceux qui ont choisi de communier à Jésus « en Agonie jusqu’à la fin de temps ».
Douloureuse, cette « révélation du pire » est une libération qui présente le double avantage de permette d’empêcher sa réitération et d’entreprendre une œuvre réparatrice. Elle était donc essentielle, urgente et nécessaire.
Pour autant, est-il permis de discerner, au sein du Peuple de Dieu, la présence d’une autre tentation, particulièrement sournoise ? Si la précédente était celle des « petits », celle-ci serait plutôt celle des « grands » au sens où le dénonce l’Évangile. Ces catholiques déclarés n’envisagent pas de quitter l’Église, à laquelle, d’un point de vue formel et mondain, ils déclarent appartenir. Cette tentation consiste à profiter de l’inventaire du désastre et de la purification qu’il impose, pour faire avancer bien d’autres causes que celle du Royaume. Le plus souvent, remarquons-le en passant, un règlement de compte personnel achèvera de motiver l’engagement à faire la lumière…
Ainsi aurait-on aimé que le « rapport » attendu s’en tienne à la rigueur scientifique qu’il imposait pour rester honnête et digne de la cause. La communication des résultats bruts constituait une matière suffisamment impressionnante ! Or, il apparaît que la méthodologie exposée dans le préambule, non moins que les préconisations données in fine, trahissent des intentions plus troubles. En effet, en s’autorisant à mêler des faits nombreux et avérés à un sondage statistique anonyme, on parvient à produire des chiffres encore plus hallucinants que l’accablante réalité. Surtout, il faut lire attentivement les recommandations finales pour comprendre les thèses desservies, lesquelles relèvent de cette volonté de repenser l’Église à la manière du monde, autrement dit de la dissoudre. Pour pouvoir prétendre au beau patrimoine, bien entendu, on ne commettra pas pour autant l’erreur de ne pas demeurer catholique : « Tuons l’héritier et emparons-nous de l’héritage » (Mt 21, 38) ! Honteux abus de pouvoir qui détourne la noble finalité de la commande d’enquête. Pour l’honneur et la défense des victimes, pourquoi ne pas s’en être tenu à témoignages avérés en se gardant de les mêler à de douteux sondages ? Quel affront pour les courageux témoins de la triste vérité : voir leur douloureux témoignages récupérés à d’autres fins, en l’occurrence lester un grossier cheval de Troie.
Puissent les fidèles du Christ, pour demeurer tels, non seulement résister à la tentation de quitter la maison, mais encore à celle d’y demeurer sans prendre garde à ne pas se laisser dépouiller du trésor de la foi. Entre deux périls, ils qu’ils choisissent de fouler le seul chemin ferme, celui de la fidélité !